Voilà quelques longues semaines déjà, un incident malheureux dans le nord-mali a eu des conséquences désastreuses pour toute une population.
L'enlèvement du Français Pierre Camatte à Ménaka, non loin de Gao (libéré entre temps), a provoqué des enchainements de mesures politiques qui ont des répercussions difficiles, comme souvent, sur les personnes les plus fragiles...
La vie à Tombouctou a quelque peu changé...N'ayant le droit de ne m'y rendre que dans le cadre de mission ou pour mes congés, je vois à chaque séjour la situation se dégrader...
Premier signe: les petites boutiques dans lesquelles on trouve de moins en moins de choses, le ravitaillement se fait difficile avec les frontières qui se sont davantage "ressérées" (les liens avec l'Algérie et la Mauritanie, entre autres, ne sont pas des plus prospères actuellement). Les marchés sont tristes, les couleurs bien moins chatoyantes, les regards plus lointains...les gens n'ont plus d'argent, ne compte que le stricte minimum: les condiments, le riz et un peu de viande de temps en temps...
Cette ville qui ne vit pratiquemment que du tourisme meurt...les interdictions émanant des ambassades ont entrainé le rapatriement des étrangers "toubabs" travaillant dans les ONG et autres coopérations bilatérales sur Bamako. Les activités en patissent, tout comme les commerçants...
Les touristes les plus téméraires, ou inconscients, ou tout simplement pas prévenus viennent prendre le risque de fouler le sable du désert malien, mais beaucoup d'entre eux s'arrêtent à la frontière sécuritaire virtuelle. Les hôtelliers, les artisans, les restaurateurs souffrent. La majorité d'entre eux ont fait bien plus de 50% de chiffre en moins que l'année dernière.
La situation est complexe, forte d'enjeux de pouvoirs et financiers à un niveau qui ne me permet plus d'en cerner les tenants et les aboutissants.
Je sais juste que je ne peux être chez moi, dans la maison que je loue, que je vis une incertitude perpétuelle source de doutes, de questionnements, d'analyses et de réflexions usantes lorsque cela dure depuis aussi longtemps. Que je suis loin des lieux et des personnes que j'affectionne, loin des gens avec qui je travaille...
Je sais que lorsque je suis là-bas, je ne me sens pas en insécurité...il faut connaître la région et un peu le contexte pour savoir qu'il existe peu de probabilités pour qu'à Tombouctou même, un enlèvement se fasse.
Les conditions de vie sont déjà extrêmement difficiles pour une bonne partie de la population, ces batailles politiques entre "grands hommes" ne font que rajouter à la dureté de la vie au bord du désert. A tort ou à raison...
Je pense à eux, à vous, habitants de Tombouctou...