Nous remontions une des rues du village, ou vous trouvez aussi bien a votre droite qu'a votre gauche, de petites echoppes vendant des articles Tibetains, des colliers, bracelets, bagues mais aussi des ouvrages sur l'Inde et le Tibet et ,bien sur, sur le Dalai Lama, des petits magasins de sacs, de couvertures et d'articles hi-fi, de vetements et quelques bouddhas, de toutes tailles et couleurs, vous observent monter ou descendre, suivant le moment de la journee,cette pente...
nous remontions donc vers le point de rendez-vous permettant la distribution des bougies pour la marche nocturne du 10 Decembre 2008 : jour anniversaire de l'obtention, par le Dalai Lama, du Prix Nobel de la Paix.
19 ans deja...
et bien plus d'annees encore que la voix de Tenzin Gyatso fait resonner dans le monde entier, l'espoir de tout un peuple, du peuple de la Compassion et de la Non-Violence: le peuple Tibetain.
Plus de 50 ans que cet homme porte les valeurs humaines d'un peuple dechire, qui souffre sous le joug du gouvernement chinois.
C'est egalement le jour ou les droits de l'homme sont remis a l'honneur, ces memes droits bafoues pour les Tibetains qui vivent sur leurs terres sans pouvoir sentir, ressentir et vivre la liberte.
Il fait nuit, nous marchons et je n'ai pas froid.
La respiration se fait un peu plus rapide, certains endroits sont un peu plus pentus que d'autres et au leger tournant de cette rue, je commence a entendre les voix qui se melent, grondement sourd au debut qui devient tres vite bien plus medlodieux.
La marche avait commence.
Nous nous melons alors aux robes rouges fonces des moines, nous sommes au debut du cortege, je vois flotter au loin deux grands drapeaux tibetains...mon compagnon me glisse alors au creux de l'oreille, en anglais: "c'est pour cela que je suis ici...".
Je partage son avis.
Je me laisse prendre par cette ambiance de recueillement melee a une determination pacifiste et un espoir de voir, un jour, enfin, le Tibet devenir libre et permettre ainsi a tous ces refugies de pouvoir retourner voir leurs familles.
Les mots Tibetains repetes, encore et encore, comme une douce melodie qui vous reste dans la tete et le coeur, m'amene a fredonner, en harmonie avec les Tibetains autour de moi, sans toutefois comprendre toute la signification de cette phrase.
Le cortege fait plusieurs fois le tour d'un ensemble de maisons , certaines personnes restent surt le bord de la route, la bougie dans la main, des enfants suivent la cadence de la marche, parfois un peu rapide pour les plus petits, et ce moment privilegie mele une multitude de visages et de pensees differentes, tous unis pour partager une foi en un avenir meilleur, en des valeurs humaines, une reconnaissance absolue pour un homme, un seul.
Parce que c'est la nuit avec son jeu de mystere et de petites lumieres qui dansent au gre de la marche et du leger vent qui fait vaciller quelques flammes, parce que je suis entouree de moines, de tibetains et fait partie de ces etrangers qui epousent, font corps avec cette cause, le moment est magique.
Pas besoin de mots, des regards, des sourires suffisent a comprendre l'intensite de l'instant, son importance.
Nous desendons ensuite vers le Temple du Dalai Lama, et avant de penetrer a l'interieur, je vis un instant d'echange avec une tres vieille femme, tibetaine, a cote de qui je me suis retrouvee au gre du mouvement spontane du cortege.
Habillee traditionnellement, elle tente de me dire les mots que j'entends depuis le debut, que je repete, maladroitement, je souris, elle aussi et nous poursuivons...
voir se regrouper alors, en un seul lieu, tout le cortege: femmes, enfants, moines, hommes, etrangers entre tous ces petits points lumineux, me serre la poitrine d'une emotion comme je les aime...
peu importe ce qui peut se passer ou se dire ailleurs, peu importe d'ou tu viens, nous sommes tous assis, les yeux tournes vers le portrait de Tenzin Gyatso.
La place centrale est presque remplie, je regarde de chaque cote, le jeune moine tibetain assis a quelques centimetres, tous ces visages, j'essaye de lire a travers les regards que je surprends, que j'observe, m'impregner du moment, entierement, me nourrir de cet instant particulier.
Nous nous levons, a la demande de l'homme qui fait face a toutes les personnes presentes, et un chant debute. Je me laisse bercer par ces sons, ces intonations, je ne comprends toujours pas les mots, mais je sens, ressens la vie et la croyance qui se trouvent derriere...je ferme les yeux, je n'ai toujours pas froid...
Les frissons arriveront ensuite, au visionnage du documentaire sur grand ecran qui evoque la venue en terre tibetaine d'une jeune femme alors nee ailleurs, mais qui veut venir voir son pays.
Avec elle une video du Dalai Lama, un message d'espoir et de courage pour les Tibetains restes a Lhassa et dans tout le Tibet.
Cette jeune femme se trouve etre la "passeusse" clandestine de ces images formellement interdites par les chinois.
Interdiction de parler du Dalai Lama, de religion bouddhiste, d'afficher a l'interieur comme a l'exterieur des images et des photos de sa saintete, la prison vous attend dans ce cas la.
IMAGINEZ...
toutes ces familles tibetaines, certaines habitant a Lhassa, certaines dans de petits villages, une autre dans une grande tente au milieu d'une immensite entouree de montagnes, d'autres retirees de ce que nous pouvons appeler un semblant de civilisation...des peres de familles avec leurs femmes, des enfants, des bebes, des "ancetres", tous, les yeux, les regards comme "hyptnotises" lorsque le Dalai Lama apparait sur le petit ecran.
C'est un moment qui mele la peur, celle peut etre de voir des soldats chinois arrives et prendre tout la famille pour les emmener la ou la liberte est encore plus reduite, et l'Espoir.
A travers tous ces visages, a travers les larmes qui ont coule sur les joues de cette vieille femme portant un bebe sur ses genoux, a travers les quelques mots et emotions que certaines personnes ont pu exprime, j'ai ressenti toute la difficulte de leur position, toute l'admiration envers Teyzin Gyatso, et le bien fait que porte cet homme en lui et qui touche directement le coeur de ces milliers de Tibetain.
Ces quatre jeunes femmes, aux visages si purs, aux yeux remplis de tendresse et de gentillesse, de timidite et de pudeur aussi, disent se sentir plus forte apres avoir ecouter le message, ces mots ddoivent encore resonner dans leurs oreilles et leurs esprits.
Pour certaines personnes, c'etait la premiere fois qu'ils voyaient le DL...
Ces scenes hautement emouvantes sont entrecoupees des paroles de la Tibetaine qui effectue le voyage et qui raconte ses difficultes ainsi que de documents historiques ou la violence envers les Tibetains est, pour moi, insoutenable...
Nous le savons, certaines images, comme celle de ce jeune homme se tenant debout face au char dans une immense avenue sont connus...ce jeune homme se brulant lui-meme parce qu'il ne peut pas vivre dans ces conditions et souhaite interpeller les gens..., cet homme dans le reportage qui evoque son desir parfois de se suicider...nous le savons, et puis nous oublions.
Nous oublions qu'ailleurs, ces memes droits qui nous protegent bien chaudement chez nous sont bafoues ailleurs, que la violence et la terreur regne en maitre sur des parties du globe...juste se mettre a la place, tentez d'imaginer ce que nous, nous ferions...et peut etre, ce que nous pourrions faire de plus.
Les larmes coulent sur mes joues, comme celles du Tibetain assis a deux metres de moi, comme celles que je ne vois pas a cet instant...
J'ai froid.